Rachel Röst est une écrivaine danoise qui a écrit deux romans – Grundvold, « Le Fondement » (2021) et Pyntesmil, « Les sourires décoratifs » (2022) –, ainsi que deux livres pour enfants. Ses romans tournent autour de questions sociales et comment l’enfance façonne la vie. Son dernier roman, Pyntesmil, aborde la violence au sein de la famille et comment les enfants font face à cela au fur et à mesure qu’ils grandissent. Rachel a un master en littérature de l’Université de Copenhague et travaille également avec la lecture destinée aux enfants et aux jeunes en situation de risque.
Rachel Röst écrit actuellement un nouveau roman, dont le personnage principal, qui se prénomme Nora, lit des ouvrages de Fernando Pessoa et développe un intérêt très particulier pour l’expérience de la multiplicité de soi, chère à l’écrivain portugais, ainsi que pour la Lisbonne de Pessoa. Afin d’approfondir l’expérience littéraire de Nora concernant Pessoa et Lisboa, Rachel Röst a voyagé jusqu’à Lisbonne en 2021 et séjourné au Lisboa Pessoa Hotel où elle a participé à la balade littéraire « La Lisbonne de Fernando Pessoa » proposée par l’hôtel et guidée par l’académicien Fabrizio Boscaglia, spécialiste de Fernando Pessoa et consultant littéraire de l’hôtel.
Voici une interview avec Rachel Röst, sous la forme d’une conversation avec Fabrizio Boscaglia, sur la façon dont Pessoa et le Lisboa Pessoa Hotel influencent ou contribuent au processus d’écriture littéraire.
Rachel, quel est votre rapport avec Pessoa et le nouveau roman que vous écrivez actuellement ?
Mon roman est sur Nora, diagnostiquée « bipolaire de type 2 ». Durant une hypomanie, elle est confrontée aux textes de Fernando Pessoa. Elle lit que Pessoa a écrit par le biais d’hétéronymes : une sorte d’auteur avec des personas, qui ont leur propre style d’écriture et leur propre biographie. Par ailleurs, elle découvre que Pessoa se décrit comme n’ayant plus de personnalité. Nora sent qu’elle n’a pas de personnalité, donc forcément cela lui parle. La mère de Nora était une personne qui enfreignait les règles et dominatrice, de sorte que Nora a un ego fragile. Nora lit des poèmes de Pessoa et est obnubilée par cet auteur. Elle voyage jusqu’à Lisbonne pour marcher sur ses pas et elle est tellement inspirée qu’elle commence à percevoir la vie de Pessoa comme un modèle à suivre. Par exemple, Pessoa s’est fait passer pour un psychiatre et a écrit à d’anciens professeurs et à un camarade d’Afrique du Sud [où Pessoa a vécu pendant son enfance], prétendant que l’auteur était un patient à lui et qu’il était très malade mentalement. En tant que faux psychiatre, il a posé des questions sur la personnalité et la sexualité de Pessoa. Nora fait la même chose. Ce qui la met en difficulté vis-à-vis de sa famille et de ses amis, et elle a également du mal à vivre avec les réponses. Plus tard, elle imite l’intérêt de Pessoa pour l’occultisme. Elle essaie de faire de la magie et rencontre un alchimiste qui défie son idée de personnalité. Nous accompagnons le voyage de découverte de soi de Nora, avec Pessoa qui fonctionne comme catalyseur.
Pourquoi Pessoa, qu’est-ce qui vous a frappé dans la littérature et dans la vie de Pessoa et qu’avez-vous lu de ses œuvres ?
Dans quelles circonstances de la vie avez-vous découvert ce poète ?
J’ai découvert Pessoa presque par hasard. Je souhaitais écrire à propos d’une jeune femme obsédée par un auteur parce que je voulais décrire le comportement des fans et la maladie mentale. Je voulais en outre que l’auteur soit connu et qu’il vive en Europe. J’ai donc lu sur de nombreux auteurs européens et j’ai attendu d’être inspirée par l’un d’eux. Et j’ai alors découvert Pessoa et j’ai été intriguée par les hétéronymes de Pessoa et jusqu’où ils l’ont emmené. Ils avaient même des horoscopes et correspondaient entre eux. J’ai acheté le livre Fernando Pessoa : Poèmes choisis en danois et j’ai été fascinée par les hétéronymes, les différences criantes de style d’écriture et de thèmes, ainsi que par les qualités philosophiques et esthétiques de leurs poèmes. Une partie de l’œuvre de Pessoa tourne aussi autour de la question « qu’est-ce qu’une personnalité ». C’est une question qui m’intéresse beaucoup et que j’exploite dans mon roman.
Racontez-nous, si vous le voulez bien, votre expérience au Lisboa Pessoa Hotel et, en particulier, votre balade à pied à travers Pessoa, proposée par cet hôtel littéraire. Est-ce que cela s’est avéré utile et bénéfique pour votre vie littéraire et pour le projet de votre roman ?
J’ai visité Lisbonne en tant que chercheuse car Nora voyage jusqu’à Lisbonne, motivée par son obsession. Et, évidemment, j’ai séjourné au Lisboa Pessoa Hotel comme le ferait Nora. Il me fallait décrire l’hôtel, et la décoration des espaces intérieurs, la bibliothèque consacrée à Pessoa, les salles de réunion qui portent les noms de ses hétéronymes et même les gravures inspirées de ses poèmes m’ont beaucoup plu.
J’ai réservé une balade à pied sur Pessoa avec vous [Fabrizio Boscaglia] parce que c’est quelque chose que Nora aurait fait, sans aucun doute. C’était très intéressant de voir les lieux où Pessoa a vécu, a travaillé, a bu son café, les lieux qui l’ont inspiré. Fabrizio, vous savez énormément de choses sur Pessoa et sa vie et vous avez très bien raconté les histoires, d’une manière immersive. J’ai refait le parcours le jour suivant, avec mon carnet et j’ai pris des notes concernant les détails des édifices et des places. J’ai également imaginé comment Nora réagirait en voyant tout ça et j’ai écrit quelques scènes.
Y a-t-il un quelconque aspect de la ville de Lisboa qui soit particulièrement inspirant pour vous, en tant qu’écrivaine ?
J’adore les couleurs de Lisbonne. Elles sont vibrantes, variées et optimistes. Les carreaux de faïence sont très charmants. C’est aussi une ville animée, très piétonne et moderne, sans parler de son histoire. La lumière quasi dorée de l’après-midi est très singulière. J’ai aussi été inspirée par les gens qui sont adorables. Très simples, aimables et ouverts.
Interview réalisée par Fabrizio Boscaglia
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Découvrez Lisbonne & Pessoa, à partir de Lisboa Pessoa Hotel.